Du mardi 15 au vendredi 18 janvier 2013 - Vivre sur des montagnes russes

Papa et maman ne savaient pas ce qui les attendait, personne ne pouvait se l’imaginer. Mais entre le moment du décès et l’enterrement, on vit sur pilote automatique. 5 jours pleins d’émotions, entre dure réalité et désespoir. Abattement, léthargie, montagnes russes émotionnelles, à peine le temps de faire son deuil.

Avant d’être pleinement conscients de la situation, il faut se mettre au travail : la rédaction du faire-part de décès. Zut alors, où est passé ce beau dessin ? Il était accroché au mur pendant des mois mais a été mis dans un carton à cause des travaux de peinture. Introuvable, mais Harte avait plein d’autres beaux dessins. Et celui de K3 en dit long aussi sur Harte : son groupe de musique favori, plein de couleurs, de visages souriants. Un tuyau de notre voisine Marissa : Harte a un jour donné un dessin très semblable à sa fille Nieke. Ce dessin avait été encadré et accroché au mur chez eux. On a trouvé dans le tas de dessins un dessin quasiment identique. Encore une raison de choisir celui-ci.

Le petit texte sur le faire-part, nous le rédigeons nous-mêmes. Notre Harte était presque tout le temps en train de faire des dessins et de colorier. « Chère petite Harte, petite princesse chérie, ton plus beau dessin est celui que tu as laissé dans notre cœur ; dors bien et fais de beaux rêves, petite princesse charmante… »

Et alors le texte sur la carte funéraire, pff, là aussi, on a repéré une petite phrase sur une carte qu’on a reçue d’amis et on a décidé de l’utiliser : « Dans ton cœur vivent des gens qui te sont tellement chers, et qui continueront à y vivre, même après leur mort ».

N’a-t-on rien oublié ? Est-ce que les noms des membres de la famille sont écrits correctement ? On n’a oublié personne sur le faire-part ? Est-ce que cette phrase se trouve au bon endroit ? Comment communiquer qu’on ne veut ni fleurs ni couronnes mais que les dons pour l’asbl Kinderkankerfonds sont les bienvenus. On ne peut pas non plus oublier de mentionner le personnel de l’hôpital. Ah oui, ajoute aussi l’adresse web du blog. Et mets au-dessus ‘princesse Harte Muyldermans’. Contrôle, double contrôle, triple contrôle, c’est bon, prêt à être imprimé.

Tirage à 400 exemplaires, cela devrait suffire. Un premier coup d’œil sur la liste d’adresses nous rassure, sauf que celle-ci date d’il y a 2,5 ans... En cas de besoin, on pourrait toujours envoyer des e-mails. Le mardi après-midi, nous transmettons nos dernières remarques. Le mardi soir, toutes les cartes sont déjà mises sous pli et on nous les apporte. Le résultat est très joli.

Papa et maman choisissent d’organiser eux-mêmes les funérailles et demandent à Wim, l’ex-doyen de Chirojeugd Vlaanderen et maintenant vicaire de la province d’Anvers, s’il veut diriger la cérémonie à l’église. Une première entrevue mardi soir, quelques pensées notées à la hâte sur une feuille, un premier sondage des attentes, un nouveau rendez-vous vendredi soir. Et entretemps chercher et choisir des photos, des textes et des chansons, faire une présentation PPT, créer les cartes de vœux, rédiger une liste des choses à faire et des matériaux, chercher un lecteur externe, contacter le chœur et les musiciens, chercher des matériaux pour la décoration. Une course contre la montre pour pouvoir soumettre vendredi soir un scénario détaillé à Wim, au lecteur externe Dirk et au technicien Benny. Un tas de travail inattendu, mais nous sommes tout de même contents de pouvoir nous en occuper nous-mêmes.

On confie l’exécution de la cérémonie à ces 3 personnes hyper compétentes. On veut que les textes et les témoignages soient clairs et intelligibles. Wim et Dirk sont tous les deux de par leur profession, habitués à parler en public : Dirk est metteur en scène et acteur et a une voix très agréable.

Après le service, on opte délibérément pour une réception informelle, pas de traditionnel « café » mais une bonne bière fraîche ou un bon verre de cava. On réserve la salle, on rédige la liste des boissons, on prévoit un reportage photo…

Heureusement, quelques bons amis et connaissances s’occupent du côté pratique de la cérémonie et de la réception. Sans leur aide, cela n’aurait pas été possible.

Et puis, il faut commencer ce travail infernal : la liste d’adresses. Qui ne peut-on pas oublier, est-ce qu’ils habitent encore à cette adresse, ah oui, ceux-là sont divorcés. Alors qu’on est encore en train de contrôler la liste, tante Lieveke et tante Annemie commencent déjà mercredi après-midi à noter les adresses sur les enveloppes. C’est encore une course contre la montre : les lettres qui sont envoyées par la poste doivent être postées au plus tard mercredi soir. Les lettres pour Malines ou Muizen, on peut les mettre nous-mêmes dans les boîtes aux lettres des gens. On envoie de toute façon aussi la lettre par e-mail à beaucoup de gens, ainsi ils seront au courant de l’endroit, du jour et de l’heure de la cérémonie. L’internet est une vraie bénédiction par moments. Mais d’abord il faut encore faire le tri, il y a trop d’adresses pour le nombre de lettres. Il faut vérifier à qui on peut envoyer la lettre par e-mail.

Jeudi, c’est l’anniversaire de maman. Un anniversaire en mode mineur. Le soir, elle le fête quand même un peu avec les amies du club de natation et le bouquet de roses qu’elle a reçu de papy.  

Elle est déçue de recevoir bien peu de messages SMS, mais elle comprend que les gens ne savent pas très bien comment réagir dans une telle situation. Pas d’exubérances le soir, il faut aussi encore préparer la réception - les amies du club s’en chargent – dans les années à venir, cet anniversaire sera toujours un moment particulier.

Malgré toute cette agitation, il y a quand même eu du temps pour faire le deuil. Cela peut sembler bizarre, mais chaque minute où Harte est exposée au funérarium, maman et papa sont à ses côtés. Maman tient toujours les petites mains de HHarte pour les réchauffer. Depuis que Maman et papa ont reçu la nouvelle qu’elle a été transportée de Louvain à Malines, ils sont à ses côtés. Mercredi, jeudi et vendredi, de 15 à 19 heures. Ils apprécient beaucoup le service des pompes funèbres. Le personnel fait de son mieux pour chaque fois aménager la salle d’accueil selon nos directives. Harte est joliment exposée, à l’aide de nombreux accessoires on crée ’une ambiance à la Harte’. Avec K3 comme musique d’arrière-plan. Et notre Harte était aimée de beaucoup de gens, on le remarque bien vite. Des dizaines de gens viennent lui rendre un dernier hommage. Parfois avec un sourire, le plus souvent avec beaucoup de larmes, des silences pleins d’émotions. Bien que maman et papa apprécient beaucoup toutes ces preuves d’amour et de compassion, cela rend les choses encore plus dures pour eux. Autrefois, maman allait aussi souvent rendre un dernier hommage à un défunt et trouvait cela toujours un peu bizarre. Pas maintenant.. Maintenant, elle aimerait plus que tout avoir Harte chez elle à la maison, pour pouvoir la prendre dans ses bras et être tout le temps avec elle. Maman voudrait pouvoir la mettre dans une petite boîte et l’avoir toujours à portée de main

Jeudi, l’école ‘Villa zonnebloem’ organise un moment de recueillement pour Harte. Avec ses 200 élèves, c’est une petite école, c’est incroyable combien ils sont solidaires et compatissants. Dans le hall d’entrée, il y a depuis quelques jours un ‘coin Harte’ avec une boîte dans laquelle les enfants peuvent déposer des dessins. Un livre dans lequel ils peuvent écrire un petit mot ; des photos de Harte ; des fleurs en papier. C’est beau et émouvant.

Le moment de recueillement est sobre, ce qui le rend d’autant plus impressionnant. Dans une cour enneigée, tous les enfants sortent par classe, main dans la main, accompagnés de la musique de Laïs.

Dans le plus grand silence, on forme un grand cercle. Papa, maman et Tijl font partie de ce cercle. Papa laisse libre cours à ses larmes. Jo (‘du buro’ dirait Harte) déclame un poème. Chaque classe lâche un ballon blanc. Tijl peut lâcher le ‘ballon de princesse’. Toutes les têtes sont tournées vers le ciel jusqu’à ce que les ballons aient disparu. Alors, toutes les classes rentrent une par une en silence. C’est émouvant et impressionnant.

Le poème que Jo récite se termine par : ‘Et Harte si là-haut tu rencontres un de nos ballons, fais tomber la neige un court instant.’ Vendredi matin, il neige et maman en a les larmes aux yeux.

Et nous voilà donc le vendredi, la cérémonie se rapproche inévitablement. Le matin, papa et maman vont à l’aula pour tester les micros, vérifier si la musique est audible dans toute la salle, si on peut projeter la photo et le film. C’est pénible, une répétition générale pour la cérémonie funéraire de sa propre fille. Entretemps, papa et maman finalisent le texte de leur propre témoignage pour la cérémonie, c’est bien le plus éprouvant de tous les préparatifs…

La réunion avec Wim, Dirk et Benny se passe bien. Carolle et Lieveke nous raccompagnent encore après. La dernière nuit avant les adieux définitifs…


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